Le mardi 18 novembre au Press Club de France, s’est déroulée la conférence-débat portant sur le thème du recrutement des militaires. Organisée par le Club des Chasseurs de Têtes et animée par Dan de Vil, commandant au sein des ressources citoyennes, cette conférence a permis de faire le point sur la carrière du militaire et sa reconversion dans le civil.
Le Général Denis Parmentier, intervenant lors de la conférence-débat, connaît bien le milieu des ressources humaines : il a succédé, en 2005, à un bureau de gestion en RH à Vaquier. Il exerce comme responsable de la gestion et la mise à poste de l’ensemble des personnels de l’armée de terre. Il gère notamment les mises à poste des officiers et sous-officiers. Sa tâche est de faciliter le retour à la vie civile du personnel militaire. « Nous aidons nos camarades, actuellement en activité ou qui viennent de quitter le service, à trouver des emplois qui leur conviennent et en rapport avec leur projet » indique-t-il.
La carrière d’un militaire n’est pas à comparer, par exemple, avec celle d’un poste dans l’éducation nationale. « Certains rentrent dans l’armée et y restent jusqu’au bout, la plupart partent. Notre rôle est d’assurer des portes de sortie à ces personnes ; d’où l’intérêt d‘avoir, tout au long de la carrière, des possibilités de quitter le monde militaire ». En effet, les missions à accomplir peuvent être rudes, comme celles en Afghanistan ou en Centrafrique. « L’armée de terre est une armée jeune » confie le général Parmentier.
« Les armées sont les émanations de la Nation. Il a fallu recréer des intermédiaires, des liens qui permettent de renforcer cette synergie avec le monde civil ». C’est ainsi que Frédéric Fresciny définit la réserve. Aujourd’hui, une trentaine de réservistes sont en charge de faire ce lien et « mieux comprendre la société qui nous environne pour faire ce lien ».
Le parcours professionnel des militaires
Le recrutement concerne essentiellement des contrats à durée déterminée, ou « contractuels ; environ 70 % de l’armée de terre. 5-8, voire 11 ans et au-delà. Même les sous-officiers en début de carrière, sont tous sous contrat. A partir de janvier 2015, une nouvelle campagne de recrutement sera mise en place afin de pallier la décroissance de recrues à laquelle l’armée fait face. « 13 000 militaires quittent nos rangs chaque année, tandis que 10 000 sont recrutés. Il faut pouvoir assumer les conditions physiques de certaines missions comme en Afghanistan, au Mali… »
Environ 135 officiers sortis de Saint-Cyr sont recrutés par an. On note également des officiers sous contrat pour piloter des hélicoptères TIGRE, qui font partie de l’armée de terre. « Ce sont des spécialistes. On en compte une vingtaine par an ».
Puis intervient un recrutement semi-direct, en interne. 80 jeunes sous-officiers, d’environ 25 ans, ont déjà 2 à 3 ans d’expérience sur le terrain. Ils passent un concours dans le but d’obtenir une promotion. Il existe également les « officiers semi-directs tardifs », un peu plus âgés, entre 34 et 36 ans. Ces derniers « ont déjà un vrai parcours de sous-officier et passent un concours. Ils accèdent alors à l’épaulette d’officier » explique le Général Denis Parmentier.
Enfin, le dernier recrutement interne concerne les rangs tardifs. « Ce sont parmi nos meilleurs sous-officiers, qui ont passé quelques examens dans leur domaine de compétences et qui seront recrutés selon leur dossier ». 70 % des officiers de carrière proviennent de la promotion interne. Ils ont déjà une bonne expérience professionnelle.
Le profil des officiers, comme indiqué, est fondé sur deux piliers. Le premier tronc commun concerne le commandement, le second est la spécialisation dans un domaine métier. Chacun de ces deux piliers repose sur une formation diplômante et une formation spécialisée dans le cadre d’un
diplôme technique, enrichie par une expérience professionnelle acquise tout au long de leurs fonctions. « Il y a bien des façons de servir la France, l’environnement militaire est un choix parmi d’autres. Nous tentons de leur faire prendre conscience qu’ils ont des capacités leur permettant d’intégrer le civil et de continuer à servir le pays, comme ils l’ont fait au début de leur carrière » souligne le Général Denis Parmentier.
Les compétences du militaire qui lui seront utiles dans le civil
Les objectifs fixés au militaire agissent de la même manière qu’une logique de client : ils se fixent dans le temps avec des moyens, un compte rendu régulier, un recalage si nécessaire. Il s’agit donc d’objectifs opérationnels. Les militaires disposent également d’une culture de contrôle de gestion, ce qui a « complètement modifié l’approche des objectifs ». Il s’agit aussi d’améliorer la logique des processus en interne. L’ensemble de l’encadrement militaire s’est complètement approprié cette dynamique par mission, par secteur, par projet, avec de la transversalité, ce qui nous rapproche de plus en plus du monde de l’entreprise.
« Les militaires, au cours de leur carrière, acquièrent de savoir-faire reconnus »
En outre, la liste des domaines de métiers transposables au civil est vaste. On compte, par exemple, l’administratif et financier, la logistique, la gestion des risques et des crises, le juridique, les ressources humaines, l’organisation générale, la conduite de projet…
L’informatique est également un domaine de compétence qui se transpose aisément dans le civil. Néanmoins, le capitaine Nicolas souhaite les conserver au sein de l’armée, ces profils étant plutôt rares. A noter également la considérable croissance du besoin d’éléments dans le domaine de la cyber-défense. Le volume de poste à honorer dans cette branche augmente de 100 % chaque année.
Des postes à l’international sont également envisageables, notamment dans les ambassades ; ceci grâce à la connaissance acquise dans des pays considérés comme « complexes » géopolitiquement.
Une fois de retour dans la vie professionnelle civile, peu de retours sont notés. Néanmoins, le militaire fait face à une difficulté nouvelle : « le militaire possède de multiples compétences, or il doit comprendre qu’il rentre dans une entreprise pour l’une d’elles en particulier». Ils les aident à faire un choix, à avoir un projet, et réfléchir différemment car il s’agit désormais d’un parcours individuel. Cela demande un certain temps de préparation pour qu’il s’approprie son projet.
Et d’ajouter : « il arrive, bien sûr, que quelques retours se produisent, cependant il ne s’agit pas de mauvaises expériences. C’est, chaque fois, la nostalgie de l’entité militaire qui a prévalu ». L’environnement militaire agirait-il comme une famille, de laquelle on ne se sépare que contraint ? Le slogan de l’armée a évolué : partir n’est plus trahir. Il n’y a plus de culpabilité au départ.
Comment un colonel devient-il général ?
Une sélection complexe est opérée. Elle se base sur toute une carrière. Un conseil se tient et les dossiers des colonels sont étudiés. En fonction du potentiel, un choix est fait. Ainsi, un jeune général aura, par exemple, 51 ans. La carrière de ce dernier s’achève à 59 ans. Pour les distinguer, un système d’étoiles est mis en place, la plus haute valeur atteignant 5 étoiles.
Auparavant, les éléments les plus faibles étaient préférentiellement délaissés. Aujourd’hui, c’est le départ des meilleurs qui est mis en avant, afin que la suite de leur carrière puisse bénéficier de l’expérience acquise en environnement militaire. On constate ainsi une tendance qui s’inverse ; « n’aurait-on pas, aujourd’hui, intérêt à susciter le besoin des cadres supérieurs de l’armée française, considérant les avantages que les entreprises auraient à les embaucher ? » questionne Antoine Labastide ? Les valeurs qui soudent l’armée pourraient être une bonne réponse « au temps de crise auquel font face les entreprises », conclut le Général Denis Parmentier.